Décision No. 2/2000



Le Conseil constitutionnel

 

Réuni en son siège en date du 8/6/2000, sous la présidence de son Président Amin Nassar, en la présence de son Vice-Président Moustapha El Auji, ainsi que de ses membres : Adib Allam, Michel Turkieh, Kamel Ridan, Antoine Khair, Khaled Kabbani, Hussein Hamdane, Fawzi Abou Mrad et Salim Jreissati.

Après examen du dossier du recours ainsi que du rapport du membre rapporteur,

Considérant qu'il appert que son Eminence le Cheikh Bahjat Ghaith, en sa qualité de Cheikh Akl druze et chef spirituel de la communauté druze a présenté un recours enregistré au greffe du Conseil en date du 1/6/2000 visant à suspendre et annuler la loi no 208 du 26/5/2000 publiée au Journal officiel no 23 le 1/6/2000 et relative à la réglementation du Machyakhat el-Akl de la communauté druze, notamment son article 16, et ce étant donné qu'elle est contraire aux usages et coutumes de la communauté et aux dispositions de la Constitution.

 

Considérant que le Requérant a allégué de ce qui suit :

Considérant qu'en date du 26 mai 2000, la Chambre des députés a adopté la loi contestée qui dépasse le cadre de ses compétences législatives et qui est contraire aux usages et coutumes de la communauté reconnus par l’article 9 de la Constitution :

 

Premièrement : La Constitution limite aux fidèles de la communauté religieuse uniquement et conformément aux usages et coutumes de ladite communauté, le droit d’ organiser leurs institutions et de promulguer leurs législations en ce qui concerne leur statut personnel et leurs Wakfs, à condition qu’il ne soit pas porté atteinte à l’ordre public.

Deuxièmement : Selon les usages et coutumes de ladite communauté, la législation relative à l’organisation  des institutions de la communauté religieuse est soumise aux procédures démocratiques qui confèrent uniquement aux fidèles de la communauté le droit d’en légiférer.

Dans sa décision rendue le 23/11/1999 concernant le recours intenté par le Requérant et visant à annuler la loi no 127 du 25/10/1999 relative à la création du Conseil des Chefs des Wakfs druzes, le Conseil constitutionnel avait affirmé que la Constitution libanaise garantissait ces droits dans les faits exposés par le Requérant et relatifs à la décision susmentionnée.

Le Requérant a également ajouté que la loi contestée fut adoptée par l'Assemblée parlementaire composée de 128 députés dont huit uniquement sont druzes.

Considérant que la loi prévoit, selon une méthode contraire aux règles démocratiques, la sélection des chefs des communautés religieuses.

Sur base des deux motifs susmentionnés, il convient d’annuler ladite loi vu qu’elle est contraire aux usages et coutumes de la communauté ainsi qu’à l’article 9 de la Constitution libanaise.

Le Requérant a également ajouté que lorsque l’article 16 de la loi contestée fut promulgué, le recours a été soumis par le Cheikh Akl de la communauté druze, or ce dernier l’est toujours et a par conséquent qualité de le présenter conformément à la décision du Conseil constitutionnel rendue le 23/11/1999. Par conséquent, le Requérant est toujours le Cheikh Akl de la communauté druze étant donné qu’il jouit de cette qualité depuis la date de sa délégation par feu son Eminencele Cheikh Mohammed Abou Chacra et que le Conseil constitutionnel avait examiné ladite qualité dans sa décision rendue le 23/11/1999, tel qu’il appert des considérants de ladite décision.

Le Requérant a déclaré que la nomination de son Eminence le Cheikh Sleiman Houssein Bou Diab Cheikh de la communauté est nulle et non avenue étant donné que la décision relative à sa désignation a été signée sans qu’aucune date ne soit mentionnée, et ce avant de voter, promulguer et publier la loi contestée au Journal officiel et que ladite décision fut datée suite à toutes les formalités mentionnées et sans la présence de tous ses signataires.

Le Requérant a ajouté que la décision susmentionnée n’ayant pas été rendue en application de ladite loi, ses effets sont par conséquent nuls en ce qui concerne la nomination ci-dessus et qu’elle est entachée du vice prévu aux articles 180 et suivants du Code de procédure civile qui doivent être appliqués ainsi que toute mesure nécessaire en vue de retirer la décision du dossier et d’éviter qu’elle ne soit invoquée, ou qu’un certificat attestant son existence déposé auprès d’une autorité compétente ne soit produit. Au cas où ladite décision est toujours invoquée, il convient de la considérer sans effets, de la négliger et de considérer que le Requérant représente toujours la communauté druze dans le présent recours.

Il appert que le Requérant a soumis un recours supplémentaire visant à annuler l’article 16 de la loi contestée étant donné qu’il a conféré un pouvoir exécutif à des députés, à savoir la prérogative de désigner le Cheikh Akl de la communauté unitaire druze alors que le Conseil constitutionnel avait rendu une décision à cet égard en date du 24/11/1999. Il convient par conséquent de considérer la délégation des députés druzes afin de nommer un Cheikh Akl, contraire au principe de la séparation du pouvoir législatif du pouvoir exécutif.

 

Sur la base de ce qui précède

 

Premièrement : En la forme

 

1. De la qualité du Requérant pour soumettre le présent recours :

 

Considérant que le Requérant demande l’annulation de la loi no 208 du 26/5/2000 relative à la réglementation du Machyakhat el-Akl de la communauté druze, en sa qualité de Cheikh Akl de la communauté druze.

Considérant que l’article 19 de la Constitution a limité le droit de recours auprès du Conseil constitutionnel en ce qui concerne la constitutionalité des lois au Président de la République, au Président de la Chambre, au Premier Ministre, à dix membres du Parlement et aux Chefs des communautés religieuses reconnues légalement.

Considérant que le Conseil constitutionnel, en sa décision no 1/99 du 23/11/1999 et indépendamment de la légitimité de la désignation du Cheikh Bahjat Ghaith,en tant que Cheikh Akl de la communauté druze en vertu d’une délégation émanant du Cheikh Akl de la communauté druze, le Cheikh Mohammed Abou Chakra en date du 23/10/1991, avait considéré que le Requérant jouissait de ladite qualité et avait admis par conséquent la recevabilité du recours présenté par ce dernier auprès du Conseil constitutionnel en date du 14/11/1999, visant à annuler la loi no 127 du 25/10/1999 relative à la création du Conseil des conservateurs des Wakfs de la communauté druze, et ce étant donné que le Cheikh Bahjat Ghaith avait pris en charge et de manière effective le poste de Cheikh Akl et que c'est en cette qualité que l'Etat, les autorités officielles, religieuses et civiles ainsi que les fidèles de la communauté druze avaient traité avec lui sans contestation ni réserve.

Considérant que depuis la date de la décision du Conseil constitutionnel no 1/99 rendue le 23/11/1999 et jusqu’à la date de son enregistrement au greffe du Conseil constitutionnel en date du 1/6/2000, le Requérant a continué de remplir la fonction de Cheikh Akl de la communauté druze, en sa qualité de Cheikh Akl par intérim de ladite communauté et que, au cours de cette période, il n’a pas été privé de cette qualité.

Considérant que la loi no 208/2000 est publiée au Journal officiel le 1/6/2000 et que le recours fut enregistré au greffe du Conseil, il est par conséquent soumis par une partie ayant qualité à le faire.

 

2- Du délai :

 

Considérant que le présent recours est soumis dans le délai légal et remplit toutes les conditions de forme, il est donc recevable en la forme.

 

Deuxièmement : Dans le fond

 

Considérant que le Requérant demande l’annulation de la loi no 208 du 26/5/2000 relative à la réglementation du Machyakhat el-Akl de la communauté druze.

Considérant que l’article 9 de la Constitution dispose ce qui suit:

 

"La liberté de croyance est absolue et l’Etat, En rendant hommage au Très-Haut, respecte toutes les religions et confessons, garantit la liberté d’exercice du culte religieux sous sa protection, à condition toutefois que ceci ne soit pas contraire à l’ordre public, et garantit aux populations, toutes religions confondues, le respect leurs statuts personnels ainsi que les intérêts religieux."

 

Considérant que si le texte ci-dessus confère aux communautés religieuses une autonomie dans la gestion de leurs affaires et intérêts religieux, il ne prive cependant pas l’Etat de la prérogative d’élaborer les différentes législations relatives à la réglementation desdites communautés, conformément aux dispositions de la Constitution.

Considérant que le droit de l’Etat à légiférer est un des droits de la souveraineté puisé du peuple et exercé par l’Etat, à travers des institutions constitutionnelles, sur son territoire ainsi que sur toutes les personnes s’y trouvant.

Considérant que le pouvoir législatif est un pouvoir originaire et absolu que la Constitution a limité à une seule Assemblée, qui est la Chambre des députés (Article 16 de la Constitution).

Considérant que la Chambre des députés jouit par conséquent du droit de légiférer en ce qui concerne la réglementation des affaires des communautés, en vertu de sa souveraineté et  d’une pleine compétence dans le domaine législatif,, et ce dans les limites prévues par la Constitution, sans toutefois que cela n’entraine une atteinte à l’autonomie des communautés dans la gestion de leurs affaires personnelles ou de s'y substituer dans la gestion desdites affaires.

Considérant que la communauté druze est l’une des communautés musulmanes dont les  affaires sont règlementées en vertu de lois ordinaires adoptées par le pouvoir législatif, dont notamment, la loi du 13/7/1962, relative à l’élection du Cheikh Akl druze ainsi que la loi du 13/7/1962 relative à la création du Conseil de la communauté druze, et ce à l’instar des autres communautés religieuses.

Considérant que la nouvelle loi contestée no 208 du 26/5/2000 qui réglemente le Machyakhat el-Akl de la communauté druze et qui annule la loi du 13/7/1962 relative à l’élection du Cheikh Akl druze, s’inscrit dans le cadre des prérogatives attribuées à la Chambre des députés, à savoir le droit absolu à légiférer en vertu de la Constitution et n’est par conséquent pas contraire aux dispositions de la Constitution, dans la mesure où ladite loi ne porte pas atteinte à l’autonomie de la communauté druze dans l'autogestion de ses affaires et ses intérêts religieux, garantie par l’article 9 de la Constitution.

 

Considérant que les articles 1 et 2 de la loi no 208/2000 prévoient ce qui suit :

 

Article 1 : "La communauté druze jouit d’une autonomie totale dans la gestion de ses affaires religieuses, Wakfs et institutions caritatives, conformément aux dispositions spirituelles de la communauté druze, ses privilèges communautaires ainsi que les lois et règlements qui en découlent."

Article 2 :"La communauté druze a un seul Cheikh Akl qui jouit du même respect ainsi que des mêmes privilèges et droits que les chefs des autres communautés religieuses libanaises."

 

Considérant que les deux articles ci-dessus représentent une garantie certaine de l'autonomie de la communauté druze dans l'autogestion de ses affaires personnelles, prévue à l'article 9 de la Constitution et considérant qu'ils préservent la position religieuse et spirituelle du Cheikh Akl de la communauté, étant donné qu'il est le chef spirituel et le représentant de la communauté druze et qu'il jouit par conséquent du même respect dont jouissent les chefs des autres communautés religieuses libanaises.

Considérant que l'article 9 de la loi susmentionnée reconstitue le corps électoral du Cheikh Akl et la restreint au Conseil de la communauté ; les articles suivants réglementent le mode d'élection du Cheikh Akl, alors que l'article 5 de la loi du 13/7/1962 conférait le droit d'élection à tous les hommes, fidèles de la communauté et jouissant du droit d'élection, conformément à la loi sur les élections législatives.

Considérant que la limitation du corps électoral du Cheikh Akl au Conseil communautaire n'est pas contraire aux dispositions de la Constitution, notamment son article 9 qui garantit l'autonomie de la communauté druze dans la gestion de ses affaires personnelles, étant donné que le Conseil communautaire, tel qu'il ressort de l'article 5 de la loi relative à sa création, est composé de membres permanents et de membres élus exclusivement par les fidèles de la communauté druze, et que le principe d'élection par lequel se réalise l'autonomie de la communauté est respecté dans le cadre de la nomination du Cheikh Akl, par conséquent, le fait de diviser l'élection de ce dernier en deux étapes au lieu que son élection ne soit directe ne représente pas une violation des dispositions de la Constitution.

Considérant que l'article 16 de la loi no 208/2000 sur lequel le Requérant fonde le présent recours en particulier, a autorisé, de manière exceptionnelle et pour une seule fois uniquement, la nomination du Cheikh Akl à l'unanimité des voix des députés druzes actuels et prévoit ce qui suit:

 

Article 16 : "Exceptionnellement et pour une seule fois uniquement, le Cheikh Akl peut être nommé à l'unanimité des voix des députés druzes actuels et le Cheikh Akl ainsi élu jouit automatiquement et immédiatement de la qualité de Cheikh Akl de la communauté druze. Le résultat de ces élections sera communiqué au Président de la République ainsi qu'au Président du Conseil des ministres, à titre d’information."

 

Considérant qu'il appert du libellé du recours ainsi que des considérants que de la décision du Conseil constitutionnel no 1/99 du 23/10/1999 sur lesquels le Requérant se base dans le présent recours, que son Eminence le Cheikh Bahjat Ghaith a pris en charge le poste de Cheikh Akl de la communauté druze à partir du 23/10/1991, en sa qualité de Cheikh Akl par intérim de ladite communauté et conformément à la délégation faite par le Cheikh Akl Mohammed Abou Chacra en date du 23/10/1991 et qu'il a exercé ces tâches jusqu'à la date de présentation de son recours.

Considérant que la mission confiée au Requérant ainsi que la qualité dont il a joui lors de l'exercice de ladite mission sont de nature provisoire et qu'il en a été investi en tant que Cheikh Akl par intérim et non en tant que titulaire afin d'exercer cette fonction jusqu'à l'élection d'un Cheikh Akl druze titulaire, conformément aux dispositions des lois relatives à la communauté druze.

Considérant que conformément à l'article 7 de la loi relative à l’élection du Cheikh Akl de la communauté druze, le Conseil communautaire est tenu, en cas de vacance du poste de Machyakhat et dans un délai d'une semaine à compter de ladite vacance, de fixer la date d'élection du successeur et de convoquer les électeurs dans un délai variant entre soixante jours minimum et quatre-vingt-dix jours maximum, à compter de la date de ladite convocation.

Considérant que dans le cas où le Conseil est dissout et son entité juridique incomplète lors de la vacance du poste de Cheikh Akl, ce dernier revient à toute personne habilitée à exercer ses fonctions et dont le devoir est de convoquer le corps électoral à élire le Conseil communautaire, conformément à l'article 10 de la loi du 13/07/1962 relative à la création du Conseil de la communauté druze.

Considérant que si le Cheikh Akl par intérim ne convoque pas le corps électoral pour élire le Conseil communautaire, bien qu'il soit dûment autorisé à le faire, ou s'il le convoque pour élire le Conseil communautaire alors qu'il n'est pas dûment autorisé à le faire, ou si le Conseil communautaire existe lors de la vacance du poste mais ne convoque pas le corps électoral afin d’élire le Cheikh Akl de la communauté en raison d'une impossibilité légale ou matérielle, l'Etat peut, à travers le pouvoir législatif, intervenir avec les pouvoirs dont il jouit et de par son devoir de préserver l'ordre public social, et ce en vue d'éviter de porter atteinte à l'ordre public interne, sans que ceci ne soit contraire à la Constitution.

Considérant que l'intervention du législateur en vue de préserver l'ordre public interne doit rester dans les limites prévues à la Constitution à condition toutefois, en ce qui concerne la réglementation des affaires des communautés, de ne pas porter atteinte à l'autonomie de la communauté religieuse ou de s'y substituer dans la gestion desdites affaires.

Considérant que l'article 16 de la loi contestée no 208/2000 a chargé les députés druzes actuels de la nomination du Cheikh Akl, et ce de manière exceptionnelle et pour une seule fois uniquement.

Considérant que l'intervention du législateur en vue de traiter l'affaire concernent l'élection du Cheikh Akl de la communauté druze et de permettre l'exercice de cette fonction de manière titulaire, est justifiée en raison de l'existence d'une impossibilité légale ou matérielle qui n'a pas permis de procéder dûment à ces élections depuis près de dix ans; cependant, cette intervention devient injustifiée au cas où elle aurait pour résultat de porter atteinte, de manière effective, à l'autonomie de la communauté druze dans l'autogestion de ses affaires ou à un dépassement, par le législateur, de ses prérogatives prévues par la Constitution.

Considérant que le législateur ne s'est pas contenté de désigner le comité chargé de la nomination du Cheikh Akl, qui est à l'origine un comité élu, conformément aux lois en vigueur relatives à la communauté d'une part, mais a également chargé ledit comité d'élire le Cheikh Akl de la communauté druze d'autre part; il a par conséquent dépassé les limites de ses prérogatives constitutionnelles, a suppléé les institutions de la communauté druze et a porté atteinte à son autonomie ainsi qu'au principe de l'élection dans le cadre de la formation des institutions, et ce contrairement à la Constitution et sans l'existence d'aucune circonstance exceptionnelle justifiant la violation de la Constitution.

Considérant que le législateur aurait pu respecter les dispositions de la Constitution et des lois en vigueur en appelant le corps électoral prévu par la loi, à élire un nouveau Conseil communautaire dans un délai bien déterminé ainsi qu'à désigner un comité électoral chargé de la préparation et de la supervision, conformément à l'article 11 de la loi du 13/7/1962, afin que ledit Conseil procède par la suite, à l'élection du Cheikh Akl de la communauté druze, conformément aux procédures en vigueur et prévues à l'article 9 et suivants de la loi no 208.

Considérant que le fait de charger les députés druzes actuels d'élire le Cheikh Akl de la communauté druze à l'unanimité des voix est contraire aux dispositions de la Constitution, notamment à son article 27, étant donné que lesdits députés ne peuvent être considérés comme représentant la communauté druze et que ledit article 27 stipule que "le membre de la Chambre représente toute la Nation" et qu'il ne représente pas par conséquent sa communauté ou sa région ou même ses électeurs puisque le député n'est pas élu par les fidèles de sa communauté, mais par tous les électeurs de la circonscription électorale, quelle que soit leur confession.

Considérant que toute loi élaborée par la Chambre des députés est adoptée par ces derniers, en leur qualité de représentants du peuple libanais, conformément à l'article 27 de la Constitution et non en leur qualité de représentants des confessions. Dans le cas contraire, chaque groupe de députés appartenant à une confession bien déterminée aurait le droit de s'opposer à tout projet ou proposition de loi réglementant les affaires ou les droits de la communauté à laquelle il appartient et par conséquent d'empêcher son adoption, ce qui est contraire aux dispositions de la Constitution ainsi qu'aux fondements constitutionnels de la société et de la nation prévus au Préambule de la Constitution.

Considérant que le moyen et l'outil juridique utilisé par le législateur dans l'article 16 de ladite loi n'est pas conforme à l'objectif que ce dernier s'est fixé, à savoir le respect de l'ordre public, étant donné que ledit moyen est contraire à un principe constitutionnel fondamental, à savoir le principe d'autonomie de la communauté druze, ainsi qu'au principe d'élection dans la formation des institutions de cette communauté religieuse.

Considérant que l'article 16 de la loi no 208/2000 figure à la cinquième partie intitulée "Dispositions générales et transitoires".

Considérant que les dispositions transitoires traitent de situations ponctuelles et permettent de transformer une situation provisoire en une situation régulière et stable et, par conséquent, permettent d'éviter que toute situation provisoire ne se transforme en une situation permanente, susceptible de porter atteinte aux dispositions de la Constitution ou aux garanties constitutionnelles prévues par les lois ou principes généraux constitutionnels.

Considérant que l'article 16 qui a conféré aux députés druzes le droit d'élire le Cheikh Akl qui jouira automatiquement et immédiatement de la qualité de Cheikh Akl de la communauté druze et ce, pour la durée fixée par la loi pour le mandat du Cheikh Akl, à savoir, pour un mandat entier et renouvelable de quinze ans, en vertu de dispositions transitoires transformé le provisoire en permanent.

Considérant que l'article 16 de la loi no 208/2000 est par conséquent contraire à la Constitution.

Considérant que la loi no 208 du 1/6/2000 n'est pas contraire aux dispositions de la Constitution, à l'exception de son article 16.

 

Par ces motifs

 

Le Conseil constitutionnel décide :

 

Premièrement : De considérer que le Requérant, Cheikh Akl Bahjat Ghaith, a qualité pour présenter le présent recours.

 

Deuxièmement : De recevoir le recours en la forme.

 

Troisièmement : D'annuler l'article 16 de la loi no 208/2000 pour être contraire à la Constitution, et de le considérer par conséquent, nul et non avenu.

 

Quatrièmement : De considérer la loi no 208/2000 non contraire aux dispositions de la Constitution, à l'exception de son article 16.

 

Cinquièmement : De notifier les autorités officielles compétentes de la présente décision et de la publier au Journal officiel.

 

Décision rendue le 8/6/2000